PARIS inondé (janvier 1910) - Rue de Javel (Grenelle)



Intempéries génératrices de misère.
     Nos pères furent décimés, certes, au cours de nombreuses guerres, par des ennemis implacables. Mais ils eurent à souffrir tout autant, sinon plus, des intempéries qui tuaient surtout les pauvres gens mal nourris, fort mal vêtus, sans aucun confort dans leurs tannières. Sans compter que les excès de froid ou de chaleur engendraient inexorablement la disette et la famine, multipliaient les épidémies, les arrêts de travail, et tous les maux exterminateurs de la race humaine.

    Tout d'abord signalons les GRANDS FROIDS enregistrés, non pas par une quelconque station météorologique, mais par les chroniqueurs et historiens. Ces précisions sont valables pour la France entière, et même hors de France.




HIVERS

Sont mentionnés comme particulièrement rigoureux dans les annales du monde civilisé, les hivers suivants :

547 - 762 à 64 où l'on passa les rivières sur la glace.

821 à 822 où nos fleuves pendant 30 jours purent supporter le passage de chariots chargés.

859 - 860, la mer Ionienne étant gelée, on allait à Venise à cheval.

Furent réputés comme rigoureux les hivers de 974 à 975 sur toute l'Europe - 1027 - 1029 - 1073/74 - 1076/77 - 1114/15

En 1149/50 et 1204/05 nombreux décès causés par le froid.

La Loire et la Seine furent gelées du 30 octobre au 6 décembre 1218 ainsi que les plus grands de nos étangs. La gelée obligea même les paysan à labourer et à ensemencer deux fois.

1233/34 gel du Rhône

1235/36, la débâcle des glaces détruisit les ponts de Tours et de Saumur.

1296 - 1302 et 1305/06 furent trés froids.

1325 la Seine gela deux fois ; des hommes traversèrent à pied en roulant des tonneaux pleins.

1364 : 15 pieds de glace sur le Rhône.

1468 les vins de Bourgogne se débitaient en morceaux.

1480/81 et 1543/44 rendirent "les ponts inutiles".

En 1589 les canons du Colonel ALFONSE et le Maréchal de MONTMORENCY passent le Rhône gelé. La mer se prit sur les côtes de Maseille.

1621/22 la mer Adriatique gela sur une grande étendue.

1640/41 terrible dans le Massif-central.

1709, gel de l'étang de Thau.

Autres hivers rigoureux : 1879/80, 1890/91, 1892/93, 1928/29.

Pour Creil et la région nous avons retenu les hivers suivants :

1306 où l'Oise gela

1357 (avant la Jacquerie) l'hiver fut extra-ordinairement neigeux et "glaçant".

1358/59 signalé comme exceptionnellement froid et au cours duquel moururent quantité de personnes de notre région.

1363/64. Il gela du 7 décembre au 7 mars. Ces trois mois de froidure détruisirent tous les blés semés et causèrent même la destruction de nombreus arbres. (Les chroniques affirment qu'en 1364 le Rhône gela jusqu'a 15 pieds d'épaisseur).

1407/08. Le froid cruel commença à la St Martin (11 novembre) et se continua jusqu'a la fin janvier, sans interruption. La navigation sur l'Oise était devenue impossible, les glaces ne formant plus, à la surface de la rivière qu'une sorte de revêtement immobile. L'eau gela au fond des puits. Dans bien des hostelleries on tira le vin des tonneaux à l'aide de broches rougies au feu. Brusquement le dégel survint (28 janvier 1408). D'énormes glaçons entraînèrent le pont de Creil. Les fermes et les maisons voisines des berges de l'Oise disparurent, emportées par cette sorte d'avalanche glacée.

1408/09, froid très vif et gelant nos rivières. Lors du dégel des blocs de glace ébranlent les ponts encore existants ou rétablis provisoirement.

1419/20. Les rigueurs de l'hiver commencent à amener la disette. Peu de temps après on assiste à des scènes de pillage. La misère régna pendant plus d'un an, au point que le chroniques de Senlis rapportent qu'en avril 1421 on chassa hors de la ville les "bouches inutiles".

1437/38. Encore un hivr très dur, générateur de famine et d'épidémies. Certains villages sont littéralement abandonnés, comme ce fut le cas pour Apremont.

1544, on débite le vin à la hache et on le vend à la livre.

1547/48. Hiver rude "tueur du menu peuple" ainsi de 1564/65, 1570/71.

1607 et 1608. Le vin gela dans les caves. Une fois de plus, les marchands le débitent à la hache et le vendent au poids.

1616. La suite du roi LOUIS XIII qui se rendait de Paris à Bordeaux souffrir à ce point du froid que la plupart des hommes composant l'escorte moururent avant d'atteindre la capitale de la Guyenne.

La " campagne " 1683/84 eu ceci de particulier qu'elle fut marquée par un hiver terrible qui fit geler les blés, et un été tellement sec que les récoltes furent insignifiantes. A Creil le prix du muid de blé passa de 22 à 46 écus. En une seule journée d'été une pièce de 4 arpents dans un champ au Plessis-Pommeraye, plantée en fèves fut entièrement dévorée par les chenilles.

1694. Grande disette dans la région résultant des rigueurs hivernales.

1709. Hiver terriblement meurtrier. Il commença le 6 janvier et dura 6 semaines consécutives. Le froid fit fendre les arbres qu'on entendait craquer à grands coups secs. Il fallut creuser les tombes non à la pioche, mais à la cognée, tant le sol était profondément gelé.

1740. Encore un hiver bien excessif et qui fit monter à des prix exhorbitants les denrées de première nécessité. Au lieu de peser 270 livres, le sac de blé - de qualité médiocre - ne fut livré que pesant 240 livres ( soit 11% de moins sur le poids) et fut vendu 50 livres tournois. Pous donner une idée de ce prix en transformant cette valeur en " monnaie métallique " disons que cela représentait approximativement 180gr. d'or pour un de nos kilos de blé. Le gramme d'or servant d'étalon, à travers les âges, il sera facile, à n'importe quelle époque de calculer le prix du kilo de blé vendu dans le Creillois en 1740 !...

1766 - 1768 - 1789 - 1795 (il gela à -23° 1/2)

1829/30 : hivers qui gelèrent nos rivières.

Le 17 janvier 1835 sir G. DACK enregiste -56° dans la baie d'Hudson.

1872. Compliquant encore les affres de la guerre récente, le gel terrible de février 1872 amène un surcroît de misère. A Creil on peut traverser l'Oise sur la glace. Le travail a cessé presque partout. A Montataire la municipalité emploie les nombreux chômeurs à diférents travaux de voirie.

1879/80. L'hiver débuta le 16 novembre dans nos régions.

Le 13 janvier 1891 marque dans l'Oise le 48 ème jour de gelé... qui se continuera jusqu'au 24. Un homme meurt de froid à Lormaison. Le dégel amène un nouveau danger : celui de l'eau !!...

Après le XIX ème siècle on n'enregiste plus, dans nos chroniques modernes, les hivers rigoureux que comme une information. Pourtant il ne faut pas considérer les hivers rigoureux comme des souvenirs tellement lointains ! Ceux qui ont vécu la " drôle de guerre " savent que l'hiver 1939/40 fut cruel, et, si possible, plus cruel encore que celui de 1941, surtout pour les prisonniers de guerre, vivant dans les conditions précaires que l'on connaît, dans des camps (-30° en Bavière - région IV).

Enfin l'attaque brusque déclanchée par Sire Hiver en janvier 1971 a causé suffisamment de victimes pour qu'il puisse s'effacer de sitôt de nos souvenirs.

1911 - année curieuse : en avril une vague de froid s'abat sur notre région de l'Oise. Des gelées tardives firent grand tort dans les jardins, les champs et les vergers. En mer de grosses tempêtes se déchainent. Dans toute la France on signale des chutes de neige et des pluies torrentielles. Mais dès l'hiver : nouvelle neige et gelées. Des trains furent bloqués, des cannaux gelés.


FAMINES ET EPIDEMIES


    Les chroniques signalent comme " années noires " : 987 - 989 et 1001 - qui furent marquées par d'effroyables famines et de cruelles épidémies.

     En 990 et 994 le " Le mal des Ardents ",cette sorte de gangrène des pieds et des mains qu'on pensait être une des formes de l'ergotisme, fit des centaines de milliers de victimes dans notre pays. Ce phlegmon gangréneux conduisait toujours à des infirmités incurables. Ce " mal des Ardents ", se manifestera encore en 1010 et en 1014... A quatre années de distance, comme au XI ème siècle !

    En 1027 et 1029 la disette fut telle que le muid de blé se vendit 60 sols d'or et plus cher. On prétend que des voyageurs furent dévalisés, tués et ...mangés.

    En 1323 la peste fut si grande qu'elle emport les deux tiers de la population, ce qui était constaté par cette inscription placée dans l'ancienne chapelle Saint-Sanctin.

" En ce tems, moururent les deux parts de gens de ce pays, de la maladie de l'épidèmie. "

    Autre contagion meurtrière en 1334; une deuxième inscription gravée sur un pilier de la chapelle Saint-Sanctin, en parlait en ces termes :

" En l'an 1334, régnant le roy Philippe, il
y eut si grande pestilence, que lrs vifs n'étaient suffisans
pour enterrer les morts de cette ville; et aussi
plusieurs villes et bourg, par longtems, en ont été vides et abandonnés. "


    La peste " puisqu'il faut l'appeler par son nom " sévit dans la région creilloise en 1348 et aussi en 1510, et à cette dernière date, plus encore à Senlis qu'a Creil.

    Autre contagion générale en 1516; elle régnait en même-temps à Creil, Pont-Sainte-Maxence, Verberie; on interdit les communications avec ces lieux, et l'on tint les portes de la ville fermées pour empêcher les mendiants et vagabonds.

    Elle se manifesta au mois de mars 1544 à la suite d'une disette, pour continuer jusqu'en décembre 1545.

    La contagion recommença, si toutefois elle avait cessé, au mois de mai 1546, et dura, dit Mallet " tout l'été, avec une famine et disette de blé qui dura plus de deux mois par tout le pays, et comme le menu peuple mangeait du pain de son et d'avoine, il allait par bandes en forêt d'Halatte couper du bois dont il faisait des " fatrouilles " qu'il vendait pour avoir du pain. Pour nourrir les pauvres, les habitants de la ville distibuaient chaque semaine, six-vingt-dix livres trois sous six deniers, et outre ce, ils nourissaient les pauvres pestiférés, un chirurgien qui les panssait, et deux hommes qui enterraient les morts. "

    En 1562, épidémie violente causée par la cherté des grains.

    " En l'année 1580 (Mallet, pag. 64) au mois d'août, la peste qui était grande à Paris, fut apportée à Senlis par un habitant. Elle y fut si grande qu'elle continua jusqu'à la fin décembre suivant, et il mourut plus de cinq cents personnes, et en fussent morts beaucoup plus, mais la plupart des habitants aisés et qui avaient des commodités, s'en retirérent et allèrent en leurs maisons aux champs ou celles de leurs amis. "

Elle sévit de nouveau depuis le mois d'avril jusqu'en décembre de l'année 1585.

Elle apparut encore dans l'année 1596.

En 1607, autre épidémie qui dura dix-huit mois.

La peste se montra en 1636, mais avec moins d'intensité.

    Devenue meurtrière en 1638, elle obligea la ville à prendre des mesures efficaces d'hygiéne. On s'avisa pour la première fois de pratiquer des trous dans les murs des chaumières infectées, afin de les aérer, procédé qui arrêta net la propagation de l'épidémie dans les bas quartiers.

    Le canton de Senlis est celui du département qui fut le plus maltraité par l'épidémie du " choléra asiatique " arrivée au printemps de 1832. Elle présenta dans son développement, sa durée et le mode de sa propagation, les anomalies apparentes qui ont été constatées dans presque toutes les contrées où le choléra asiatique s'est montré. Les communes de Courteuil et de Saint-Léonard furent gravement attaquées, tandis que le village de Saint-Firmin, limitrophe de ceux-ci, placé dans les mêmes conditions de sol, d'exposition, de tempèrature et de population, eut à peine deux cas.



LA GRELE ET AUTRES FLEAUX


    Encore un fléau redouté des paysans : la grêle.

    Les années 1756 - 1772 - 1775 - 1779 - 1781 - 1784 - 1788 ont été marquées par des chutes de grêle dévastatrices. Moissons hachées, cultures ravagées, nombreux troupeaux touchés d'une part faute de vivres, et, d'autre part tués par de gros grêlons.

    Dans son " Histoire et Antiquités du Pais de Beauvoisis " Pierre LOUVET nous conte les effets du vent et des tempêtes sur nos régions :


    Le 26 mars 1581 une tempête soufflant de la Manche, de Picardie et l'Ile-de-France arracha des arcs-boutants, jeta à terre des clochers d'églises (comme à Saint-Leu d'Amiens, et plus près de nous à Bresles), causant des centaines de morts et des milliers de blessés.

" L'an 1606, le 25 ème jour de mars veille de Pasques, l'impetuosité des vents continua jusques au Lundy inclusivement et fust sy grande qu'elle causa de grandes ruynes ".

    Enfin il rapporte comme suit les effets d'un tremblement de terre sur le Beauvaisis :

" Le mercredy 6 avril 1580 sur les 6 heures du soir, la terre trembla durant environ un demi quart d'heure (sic) semant une grande épouvante dans toute la région. L'horloge du Palais, déréglée et sonnant continuellement semblait donner l'alarme ".


Sources :
L.-G. VILLEROY "CREIL et sa région" (Houdeville et fils, imprimeurs 1971)
J.-P. CHASSANY "Dictionnaire de météorologie" (Maisoneuve et Larose 1970)
P. LOUVET "Histoire et Antiquites du Pais de Beauvois (1631-1635)"
L. GRAVES "Précis statistique sur le Canton de Senlis" - Volume XVII -(1841)
Patrick Sérou - Décembre 2008


[Retour "Histoires locales" ] - [Retour Accueil]