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Quelques documents "Empruntés" à Internet...


« Région de Paris-Nord » .
(En pointillés : la ligne d'Aulnay-sous-bois à Rivecourt qui ne fut jamais achevée.)




« Chantilly Nord ».
(Raccordement de la ligne Crépy-Chantilly à la ligne Paris-Creil.)



D'après le n° 27 du journal "la Rurale " parut en 1985.

La ligne de Senlis sur l'autel du progrès

La vieille voisine avait sous un petit hangar une vieille charrette couverte de poussière. « C'est la charrette du père Fontaine, me dit-elle, c'est avec ça qu'il allait tous les matins et tous les soirs à la station du chemin de fer pour le courrier. »

J'ai appris ainsi que la « station » était le passage à niveau de Ducy - Rully qui servait alors de halte sur la ligne de Senlis à Crépy en Valois. On aperçoit encore, en effet, un quai qui longeait la voie de l'autre côté de la maison du gardien. Trois fois par jour, dans chaque sens, le train y passait. Il fallait une heure pour aller à Paris, on pouvait faire un aller et retour dans la matinée ou dans l'après-midi.

Le courrier était ainsi acheminé du soir au lendemain matin à Paris, ce qui expliquait les allées et venues du père Fontaine : c'était pour lui un appoint de porter les dépêches de la poste, c'est à dire le sac postal.

A Chantilly, la ligne se greffait sur celle du Nord et c'est ce qui causa sa perte, car les aiguillages obligeaient à des ralentissements, ce qui occasionnait des retards sur les grandes lignes d'Angleterre ou de Belgique.

Notre ligne fut donc condamnée au nom du progrès. Elle subsiste* jusqu'à Senlis, étant raccordée à Ormoy-Villers pour un petit trafic de marchandises. Elle est* donc un raccordement industriel de la ligne du Bourget et peut-être aussi militaire à cause de la "place de Senlis ".

Son sort fut celui de la plupart des transversales aux grandes radiales venants de Paris : on ne les considéra que comme des raccords aux lignes principales, sans leur donner de signification régionale, même peu étendue. Ainsi, notre ligne fait la jonction de la ligne du Nord (par Creil) et de celle d'Hirson (par Laon). Dans un programme plus décentralisé, elle aurait pu joindre le Beauvaisis au Soissonnais ou au Tardenois. Mais cette jonction n'intéresse plus notre société "nationale "...

En 1900, il était plus facile d'aller à Paris dans un bref délai qu'aujourd'hui où les autoroutes et les problèmes de stationnement rendent les liaisons difficiles, quoi qu'en pensent ceux qui nous administrent.

A l'heure où l'on parle du train à grande vitesse*, le problème ferroviaire reste entier dans l'Oise. Et pourtant, notre ligne Senlis - Ormoy ne présente que deux courbes à grand rayon sur 22 km de voie...

Déjà, au début du siècle, on avait noté le vide ferroviaire de la région de Senlis et de la surcharge de l'axe Nord, ce qui avait obligé au triplement de cette voie et au rejet des travaux sur une voie charbonnière. Celle-ci enjambait la voie du Nord à Longueil Ste Marie et la voie d'Hirson à Ormoy-Villers, évitant ainsi Crépy, mais aussi les correspondances pour les voyageurs entre les deux axes.

La ligne d'Aulnay sous Bois à Rivecourt, dont les travaux furent interrompus par la guerre de 1914, devait permettre de désenclaver cette belle région. Il en reste des ponts abandonnés, jalonnant la campagne, et qui, les années passant, prennent des airs de ruines antiques. Un immense viaduc, enjambant un vallon à Béthisy St Pierre ressemble à un aqueduc romain oublié par là par un quelconque Pirandello...

Une piètre consolation à tant de gâchis : la desserte de l'Aéroport de Roissy se fait sur le tronçon venant du Bourget qui était le départ de cette ligne abandonnée et elle a enfin rentabilisé les frais d'installation de la voie... effectués quelque soixante ans plus tôt !

Peut-être un jour se décidera-t-on à faire la jonction d'une douzaine de kilomètres depuis le nord de cet aérodrome jusqu'à Senlis. Mais ceci suppose un dynamisme et une pensée écologique associés : on aime mieux envisager des travaux titanesques que de réutiliser, voire de rattraper des erreurs, craignant de passer pour passéiste ou "rétro " !

Économie, muse oubliée de nos savants modernes, quel visage faut-il t'imaginer, pour recréer un Parnasse de notre monde encore à vivre ?

*texte écrit en 1985, lorsque la ligne était toujours en service de Ormoy jusqu’à Senlis pour les silos à grains de Val France, qui ont été démolis il y a peu de temps, et pour le magasin Matériaux Services.




La ligne abandonnée d'Aulnay sous Bois à Rivecourt

On fait de curieuses découvertes dans notre région : des ponts abandonnés, en forêt de Pontarmé, près de Béthisy Saint Pierre, près de Verberie. La Butte blanche, près de Plailly, masse éventrée, autrefois haute de 92m. Des levées de terre près de Courteuil.
Qui a construit ces ouvrages d'art ? A quoi ont servi tous ces travaux ?

A rien. Il s'agit d'un projet abandonné. Pendant deux ans, en 1913 et 1914, d'énormes travaux ont été entrepris pour construire une ligne de chemin de fer à laquelle on a ensuite renoncé...

Pourtant, vers 1900, ce projet semblait avoir de bonnes chances de se réaliser. Parmi les nombreux projets de lignes traversant notre région et reliant Senlis à Paris, c'est celui-ci qui a été mené le plus loin.

Il s'agissait de relier Paris à Rivecourt par une troisième ligne. Comme l'indiquait l'avant-projet : " Cette ligne a pour but de décharger les deux grandes artères de Rivecourt à Paris, l'une passant par Creil et Chantilly, l'autre par Ormoy-Villers, qui sont déjà encombrées, et de desservir entre ces deux lignes une vaste région agricole et forestière dont elle assurera la prospérité en facilitant l'écoulement des produits sur le marché de Paris. Elle permettra en outre l'organisation d'un service de banlieue qui ouvrira la contrée à l'expansion parisienne ".
     La ligne prévue comportait, d'Aulnay sous Bois à Rivecourt, douze stations et cinq haltes. (Une halte assure " seulement le service des voyageurs avec bagages et chiens à condition que le public prête son concours à l'agent de la Compagnie pour la manutention des colis sur le quai ".)

     Voici les stations et les haltes prévues (le nombre entre parenthèses indique la distance en km depuis Paris) :
- Aulnay sous Bois (15 )
- Villepinte (19 )
- Tremblay
- Roissy (22 )
- Mesnil Amelot (28 )
- Moussy (32 )
- Plailly
- Mortefontaine (37 )
- Thiers
- Pontarmé (42 )
- St-Léonard (48 )
au km 50 , raccordement avec la ligne Chantilly
- Senlis
- Crépy
- Senlis (53 )
- Chamant halte (56 )
- Ognon halte (60 )
- Brasseuse - Villeneuve (62 )
- Raray halte (65 )
- Néry (70 )
- Saintines halte (75 )
- Verberie halte (77 )
- Rivecourt (81 )
soit au total 66 km de ligne.

Retraçons les étapes du projet telles que les a reconstituées M. Divoux, à partir des archives de la SNCF et de la commune de Thiers sur Thève.
- 20 Juillet 1901 la concession de la ligne est accordée à la Compagnie du Nord.
- 2 Juin 1903 début de l'enquête d'utilité publique sur un avant-projet d'une ligne à deux voies. La ligne serait clôturée de chaque côté. La dépense est évaluée alors à 43 600 000 F pour les seuls travaux.
- 16 Mars 1906 la ligne est déclarée d'utilité publique.
- 16 Janvier 1912 le projet est adopté dans sa section Oise. Le conseil municipal de Thiers regrette l'implantation de la gare du côté de Pontarmé.
- 1912 pétition à Plailly demandant l'accélération de l'ouverture des chantiers.
- 1913 même démarche à Thiers.

Ce sont les expropriations qui traînent. Les terrains ne sont pas encore acquis sur les territoires des communes de Chamant, Barbery, Ognon, Brasseuse et Raray, soit sur 10 km a Thiers l'acquisition date du 9 juin 1913.

Dans le courant de 1913, les travaux commencent sur le territoire de Thiers et de Plailly : déblai de la Butte Blanche, culées de ponts...
Le chef des chantiers habite Thiers. Il surveille 80 maçons, soit 20 par pont. Les matériaux utilisés sont de la pierre de St Maximin et les briques de Plailly, apportées par des voitures à chevaux.
Les travaux mobilisent bien des bras : dès 7h du matin, les jeunes de Thiers et des villages voisins poussent leur brouette. Ils sont embauchés, soit à la journée (il faut se présenter à l'aube avec sa pelle), soit à la semaine.
Que de mouvement alors à Thiers! Que de querelles aussi, notamment chez Camille (actuellement la tabatière) ! Il faut la forte carrure de Demandier, le chef-maçon, pour calmer les ouvriers.
Deux cantines restaurent tout ce monde, l'une côté Pontarmé, tenue par Leclère, l'autre côté Thiers avec Lévesque. Ce sont des baraquements en bois situés là où la route Thiers - Pontarmé croise la voie projetée.

L'achèvement des travaux est prévu pour 1916. Mais ils sont interrompus quand éclate la guerre de 1914. Tout le monde pense qu'ils reprendront dès la paix revenue.
Dès le début de 1919, les collectivités locales réclament la reprise des travaux. Mais le 9 mars 1919, l'ingénieur en chef de l'exploitation leur répond qu'elle n'est pas prévue, étant donnée la masse énorme des travaux à faire pour la restauration du réseau et l'ignorance où nous sommes des besoins de la circulation d'après guerre.

4 Août 1919 le conseil d'arrondissement de Senlis insiste pour la réouverture des chantiers. 12 millions ont déjà été engagés. On calcule qu'à cause de l'inflation, il faudrait y ajouter la somme de 160 millions. Cependant, la reprise des travaux n'est pas douteuse. Plein de confiance, le conseil municipal de Thiers émet, le vœu que le pont de l'excavateur prévu à 6 m soit porté à une largeur supérieure avec des rampes plus douces et moins dangereuses.

18 Décembre 1920 le ministre sans cesse sollicité finit par répondre : " La Compagnie du Nord ne peut songer à engager une dépense aussi considérable (160 millions) et à distraire pour la construction d'une ligne dont l'urgence ne se fait pas absolument sentir, des moyens d'action si nécessaires sur d'autre point du réseau."

Sur place, l'impatience est toujours vive. Une manifestation est organisée pendant l'été 1922 au cours de laquelle le chemin de fer est symboliquement inauguré à Aulnay, à Ermenonville et à Senlis. Malgré l'évocation de Gérard de Nerval et les nombreux articles publiés à cette occasion, les pouvoirs publics restent inébranlables.

22 Juin 1925 l'ingénieur des Ponts et Chaussées de Senlis, au nom du Conseil Général, réclame la reprise des travaux, "au moins jusqu'à Senlis, l'infrastructure étant pratiquement terminée". Mais ce projet partiel exigerait 66 millions et demanderait 3 ans de travaux, ce qui dépasse les possibilités financières de l'époque.

3 Août 1928 le ministre des travaux publics décide de geler le projet (à titre provisoire !). Les terrains sont loués en culture ou en chasse et les ouvrages surveillés, voire entretenus, ce qui entraîne une dépense de 194 484, 79 F entre 1928 et 1942.

Avril 1929 le Conseil Générale de la Seine et Oise réclame encore la reprise des travaux sur la ligne. Le ministre répond que " les services qu'elle est appelée à rendre paraissent hors de proportions avec la dépense de 200 millions qu'il faudrait engager ".

Les autorités locales ne désarment pas. Thiers cotise à un comité d'action pour la reprise et l'achèvement des travaux de la ligne.
Pourtant, dès 1933, des culées de ponts gênant la circulation sont supprimées un peu partout.

3 Janvier 1935 un député de l'Oise tente de sauver la ligne. Écrivant au ministre, il évoque " les nombreux chômeurs que la réouverture du chantier occuperait ". Il précise son projet : " La ligne Rivecourt - Aulnay pourrait être poursuivie jusqu'à la route N 2. De là, le tracé se dirigerait vers le sud pour rejoindre la ligne Paris - Soissons et la Ceinture. Le tronçon abandonné de la ligne projetée pourrait être transformé en route susceptible de dégager la R.N. 2 vers la rentrée de Paris. "
Ces arguments sont rejetés, car une route moderne nécessiterait une largeur supérieure aux infrastructures en place.

3 Février 1939 le chef de service de la voie et des bâtiments, en réponse à l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de Beauvais, écrit : " Il paraît peut probable que la construction de cette ligne soit reprise. Mais [...] la Région Nord a cru devoir signaler à la Direction Générale l'opportunité de comprendre le projet d'achèvement de la ligne parmi ceux de très grand avenir, auxquels une nouvelle organisation des transports pourrait redonner une certaine vitalité, soit avec le tracé jusqu'ici envisagé, soit en greffant la nouvelle ligne, non plus à Aulnay sur la ligne Paris - Soissons, mais à la Chapelle en Serval, sur la ligne de Paris à Creil. "

31 Janvier 1942 la ligne d'Aulnay sous Bois à Rivecourt est officiellement déclassée.

1958 Thiers sur Thève : les chemins modifiés lors de l'établissement de la ligne sont remis à la commune et les terrains sont vendus. La commune achète celui qui deviendra le lotissement J. B. Santoni.

Qu'avons nous perdu à l'annulation de la ligne Aulnay sous Bois - Rivecourt?
L'exemple de Thiers
La commune aurait été traversée sur une longueur de 1 491 m par un imposant remblai, véritable barrage de terre de plus de 4 m de hauteur. En effet, les chemins devaient passer au niveau du sol, sous les deux voies projetées.
La gare, comme toutes les stations de la ligne, se serait trouvée à gauche des voies dans le sens Aulnay - Rivecourt, donc du côté de Pontarmé et elle aurait été perchée à 5 m de hauteur! Elle aurait compris une cour et un bâtiment pour le service des voyageurs, une cour et une halle pour celui des marchandises, ainsi que des quais d'embarquement.

L'accès de Pontarmé serait resté possible par un passage inférieur de 5 m de large et de 6, 22 m sous la clef de voûte.

Le chemin de la Chapelle, dans la plaine du Bois Bourdon aurait été dévié et un pont aurait regroupé les chemins d'exploitations par un passage inférieur de 4 m de large et une hauteur sous clef de 5 m.

Tous comptes faits, mieux valent encore les serres horticoles et le lotissement...



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