La Lessive aux Cendres.
    Avant le milieu du 19e siècle, la grande lessive avait lieu deux fois par an, au printemps et à l'automne, tout en évitant des périodes réputées néfastes (Semaine Sainte, Ascension, Toussaint). On en profitait pour laver le linge sale accumulé depuis 6 mois dans le grenier. C'était l'époque où l'on dotait les filles à marier d'un abondant trousseau qu'il fallait faire durer le plus longtemps possible ; on changeait peu souvent de vêtements et le linge de corps était un luxe réservé aux classes aisées. La grande lessive exposant le linge de la famille au voisinage, l'abondance de celui-ci était un signe de prospérité.
La grande lessive durait trois jours :
- trempage du linge à la maison,
- coulage dans le cuvier : il fallait verser à de nombreuses reprises de l'eau chaude sur le linge et sur les cendres végétales tamisées et disposées en haut du cuvier : les cendres faisaient office de savon ; il fallait éviter celles du chêne, qui tachaient, ainsi que les bois durs ; par contre, peuplier, sapin et fruitiers étaient appréciés, ainsi que la saponaire et les plantes odorantes (lavande, fenouil, racine d'iris...).
- frottage et rinçage au lavoir: le linge mouillé était apporté au lavoir de bon matin : il était donc important qu'il y ait un lavoir près de chez soi. Ce travail était long (un abri de branchages était souvent construit à proximité) et fatigant (battre le linge à la " tapette ", frotter, rincer, souvent recommencer) aussi les femmes étaient amenées à s'entraider. Ainsi, le lavoir était-il un lieu de travail, de convivialité, de solidarité, de sociabilité féminine, équivalent du café pour les hommes, de commérage sans doute ! Enfin, le linge était souvent étendu pour sécher sur les prés.
    Réservée aux femmes (elle fût longtemps la tache domestique la moins partagée dans le couple), la lessive pouvait être confiée à des lavandières professionnelles, souvent des veuves ou des épouses d'ouvriers agricoles. Avec la Révolution Industrielle du 19e siècle, la lessive évolue prodigieusement : le savon remplace les cendres ; la lessiveuse métallique évite le déplacement au lavoir et permet de gagner sur le temps et la fatigue ; l'essor de l'industrie textile met sur le marché de grandes quantités de cotonnades bon marché, d'où la multiplication des vêtements et sous-vêtements ; enfin, l'eau courante commence timidement à arriver dans les habitations.
    En conséquence, on se lave mieux et plus souvent et l'on salit moins son linge. Ainsi, le rythme et le nombre des lessives augmente... et l'usage du lavoir diminue. Pour certaines femmes, seul le rinçage du linge est effectué au lavoir car l'eau courante y est gratuite et c'est toujours un lieu d'échanges et de convivialité. L'invention du lave-linge, après la 2° Guerre Mondiale, accélère ce phénomène, et permet à la femme de dégager du temps pour faire autre chose...
"Coulage dans le Cuvier"
Source : "Les lavoirs - Architectures - Paysannerie"