LA NONETTE


Senlis est traversée d'un ruisselet plus doux que le ruban de moire
de ta robe des dimanches - blanche comme est la ville-, un clair ruban d'eau
douce, la Nonette, que ton cœur écoute sous les branches.

Coeur jeune, écoute, écoute.. . dis que ta joie est vive d'entendre sous
des roses, des saules, de bleus ponts, la Nonette, un ruisseau qui va baisant
ses rives avec des bulles jolies comme aux lèvres des enfants.

Ecoute un peu, cher cœur, tous ces poissons qui sautent et font de
souples ponts de lueurs fugitives par-dessus les reflets nuageux de
cent roses.
Coeur jeunes où tout résonne, dis que ta joie est vive.

Les fins archets du jour aux doigts des saules pâles glissent sur les
roseaux qui perdent leur rosée : de ses notes vivantes l'averse musicale fait
chanter les deus rives. Oh! Que ta joie est vive!

Tu bats ainsi qu'une folie à grelots d'or, à voir s'entr'iriser les
lumières ondines et s'envoler des bulles que toi seul sait entendre, dans une
buée bleue où tout le prisme tremble.

Aériens ils chantent, ces jeux d'une eau naïve : ces bulles envolées ont
des chants qui t'enivrent, comme l'orage émeut un hochet qui répond sur la
petite main sommeillante d'un enfant.


Paul FORJ
"La Nonette"


Le terme Nonette, d'après Emile Lambert, vient du mot "onna" d'origine pré-celtique, qui signifie rivière, source, cours d'eau.

Onna apparaît à la fin du 9 ème siècle dans une charte(1) de Carloman (roi de France de 879 à 884) pour désigner la Nonette.

La Nonette prend sa source à Nanteuil-le-Haudouin. Longue de 41 km, elle est la plus importante des trois rivière de notre région (33 km pour l'Automne, 28 km pour la Thève). Ses principaux affluents sont l(Aunette et la Launette.

Entre le moulin de Courteuil et l'ancienne blanchisserie d'Avilly Saint-Léonard (actuellement la Sopal), l'ancien lit a été redressé pour faciliter l'écoulement. Toute cette zone est encore très marécageuse.

Difficile à pénétrer, elle est traversée de ruisseaux qui délimitent des parcs et jardins, alimentent des petits étangs, des cressonnières.

La difficulté de pénétrer dans ces lieux, facilement inondables dans le passé, en cas de crue, explique l'existence de 2 paroisses distinctes : Courteuil et Saint Léonard.

Au début du 19 ème siècle, on relève 31 moulins sur la Nonette.

Au cours du 19 ème siècle, on va assister à la disparition des petits moulins. Seuls subsisternot les moulins qui ont su se moderniser en adoptant les techniques d'Angleterre ou d'Amérique.

Ce sont des usines de 3 ou 4 étages qui permettent d'établir des chaînes de production rationnelles, de l'arrivée des sacs de blé à la fourniture des sacs de farine.

"On est passé su système de roue à aube, de moins d'un mètre de largeur, avec une seule meule, à des roues de 5,33 mètres de diamètre, 4,33 mètres de largeur, permettant de faire mouvoir sept paires de meules de 4 mètres de circonférence, avec toutes les mécaniques, accessoires pour le transport, le nettoyage et la préparation des grains de farine", écrit GRAVES, vers 1840, au sujet du moulin de Courteuil, un des plus considérables du département.

L'énergie éléctrique du 20ème siècle supplantera l'énergie de la machine à vapeur et l'énergie hydraulique.

De 31 moulins en 1840, il n'en restera que 17 en 1908.

Autour des années 50, il en restait qu'une dizaine de moulins en activité, dont la moitié pour moudre le grain.

20 ans plus tard, un seul, celui de Courteuil.

Dès le début du Moyen-Age, les moulins, principalement source d'énérgie, sont l'objet de toutes les convoitises.

Le roi et les seigneurs s'en réservent l'exclusivité avec le privilège de leur concession. Le clergé en reçoit la plus grosse part, grâce à des donations échanges. C'est ainsi que le prieuré de Saint-Nicolas possède des moulins à Senlis, Courteuil et Avilly.

Il faut attendre le début du 18 ème siècle pour voir apparaître les premiers meuniers, propriétaires exploitants.

Le meunier est un personnage important et respecté car il détient ce bien si précieux qu'est la farine.







Les moulins du Prieuré Saint Nicolas




Le moulin de Saint Nicolas dit "moulin Denise"".

Sa fondation remonte au XI ème siècle.

Successivement moulin à huile, à blé, à fouler le drap, c'est au 19 ème siècle, un petit moulin resté dans la technique traditionnelle à la française.

Sa force motrice fut également utilisée, de 1508 à 1827, par une blanchisserie, puis par une filature de coton et ensuite de laine.

A la fin du 19 ème siècle, il y avait une scierie de pierre.

En 1900, le moulin est occupé par une fabrique de mesure linéaire, d'instruments d'optique et de précision.

En 1911, la roue a été remplacée par une turbine qui a cessé de fonctionner en 1964.







Le Moulin de la Chaussée dit "Décamps".

Sa production de farine, au 19 ème siècle, était un peu plus importante que celle du moulin de Saint-Nicolas.

200 mètres séparent ces deux moulins.

En dernier ressort, il fut utilisé par de petites entreprises.







Le moulin de Courteuil.


Il a du être complètement reconstruit en 1517.

Il dépendait de Guillaume de Montmorency, seigneur de Chantilly, à la suite d'un accord avec les religieux de Saint Nicolas "dont les deux moulins en amont ne devaient pas porter préjudice à celui-ci".

Le moulin qui appartenait en 1834 à Fasquel a été complétement reconstruit d'après le système americain.

Il produisait 36.000 hectolitres de farine, employait cinq ouvriers et de ce fait éttait une des usines les plus considérables du département.

Ce moulin qui était en bois a brûlé en 1954.

Il appartenait à la famille Lecoeur et a été reconstruit en 1955 avec les équipements les plus modernes.

Aujourd'hui, c'est le moulin le plus important du dèpartement et appartient à la famille Deloinge.







La blanchisserie d'Avilly


D'aprés des documents d'archives de la bibliothèque du château de Chantilly, il existait à l'emplacement de la blanchisserie d'Avilly un moulin à fouler le drap appartenant aux religieux de Saint Nicolas.

A la suite des tractations avec Guillaume de Montmorency, le prieur de Saint-Nicolas accepta de ne plus faire fonctionner sur la Nonette de moulin pouvant porter préjudice à celui que le seigneur de Chantilly avait fait construire à Courteuil.

Ce moulin fut donc abattu et remplacé au début du 17ème siècle par une blanchisserie.







Le moulin d'Avilly, dit "moulin des tuyaux", ou de la "clouterie".


Depuis sa création, à la fin du IIème siècle, il fut moulin à blè, à tan (écorce de chêne pulvérisée utilisée pour la préparation des cuirs), à l'huile, à drap, selon les besoins.

Acquis par le Prince de Condé, en 1668, il devait permettre de percer et de façonner les tuyaux en bois, destinés à la conduite des eaux nécessaires pour l'alimentation des fontaines, cascades et jets créés la Le Nôtre.

Ces tuyaux furent peu à peu remplacé par des tuyaux de grés ou de fonte et le moulin, devenu inutile, fut loué comme moulin à blé en 1764.

En 1834, il fut transformé en clouterie.

Le moulin qui appartenait au Duc d'Aumale est actuellement loué par l'Institut de France.







La vallée de la Nonette


La vallée de la Nonette est riche de châteaux, abbayes et autres édifices religieux.

Depuis Clovis et surtout après l'élection d'Hugues Capet, en 987, à Senlis, tous les rois de France ont aimé cette région pour ses forêts, ses rivières et son accessibilité.

Rois catholiques par excellence, ils ne pouvaient pas moins faire qu'encourager la construction d'édifices religieux, tel le prieuré de Saint-Nicolas.

Le prieuré Saint Nicolas à été fondé en 1098 par Robert, Vidame (officier qui remplaçait les seigneurs ecclésiastiques dans les fonctions juridiques ou militaires) de Senlis, baron de Survilliers et seigneurs d'Acy. Il dépendait de Saint Martin des Champs de Paris.

Il fut l'objet de nombreuses donations qui lui permirent de constituer un domaine important confirmé par le roi Louis VII en 1143.

Le prieuré, qui tombait en ruine, a été restauré en 1578.

L'église a été rebâtie au début du 17 ème siècle mais les bâtiments ont été à nouveau sérieusement endommagés pendant la Fronde (troubles qui eurent lieu de 1648 à 1652 entre le gouvernement de Mazarin sous Louis XIV et les parlementaires farouchement opposés à la monarchie absolue).

Après la révolution, une filature de coton a été installée à la place.




Parmi les biens du prieuré, figure, dans un cartulaire (receuil de chartres contenant la transcription des titres de proprété et privilèges temporels d'une église ou d'un monastère) de 1234, le nom de Courtillet.






La ferme du "COURTILLET"



La propriété "Le Prieuré" occupe aujourd'hui une partie de l'ancien domaine.

Rappelons-nous que l'Abbé Prévost, auteur de Manon Lescaut, décédé en 1763 à Courteuil, fut enterré au prieuré.







L'entretien de la Nonette










En 1808, un projet de curage, de nivellement et redressement du cours de la Nonette, fut sérieusement envisagé, mais, sans doute, faute de crédits, il en resta au niveau des études.

Repris en 1819, les autorités de l'époque estimèrent qu'il n'y avait pas assez de plaintes pour justifier sa réalisation.

Pendant la première moitié du 19 ème siècle, la Nonette est en train de devenir une rivière industrielle.

Vers 1843, quelques meuniers, prenant prétexte de conflits avec des riverains, s'agitent pour obtenir la révision du règlement de 1768 (arrêt souverain qui détermina les règles au sujet des frais de curage et d'entretien de la rivière), jugé trop favorable à ces derniers ; un nouveau statut est approuvé par ordonnance rendue au Conseil d'Etat du 14 Avril 1847.

En 1857, un arrêté préfectoral, pris en conformité avec l'ordonnance de 1847, régla des détails de l'entretien des berges.

Les charges étaient scindées en deux parts : le curage aux riverains, l'entretien des berges aux usiniers.

Le syndicat a fonctionné normalement depuis 1847, en conservant le réglement d'origine, jusqu'au lendemain de la dernière guerre. Mais s'il avait bien répondu aux besoins de l'époque, il ne pouvait plus corresondre aux nouveaux objectifs qui devaient pleinement engager la responsabilité des communes déversants des eaux dans le bassin de la rivière. C'est pourquoi le Syndicat Intercommunal du Bassin Versant de le Nonette fut créé en 1968. Il est chargé de "tous les travaux ayant pour objet la remise en état et l'entretien du lit et des berges des cours d'eau permanents et des réseaux hydrauliques de surface du bassin".

Les dépenses engagées par le Syndicat sont réparties entre les communes, en fonction de la longueur du lit, de la surface du bassin dans la commune et du nombre d'habitants.



"Sans doute, c'est seulement par la pensée qu'on possède des choses,
et on ne possède pas un tableau parce qu'on l'a dans sa salle à manger
si on ne sait pas le comprendre, ni un pays parc qu'on y réside sans même le regarder".


Marcel Proust (Albertine disparue)
.



Ces lignes ont été écrites d'après le livre de Maurice Delaigue "La Nonette".

Nous voyons que l'homme, depuis des générations, a su tirer parti de la richesse de cette rivière.
A notre tour, rendont lui les honneurs en la comprenant et en la préservant.



(S.Legendre)


"Bulletin Municipal - second semestre 1997"